CEPII, Recherche et Expertise sur l'economie mondiale
Rapport d'évaluation du Cepii


Le Conseil du CEPII a pris l’initiative de solliciter une évaluation d’ensemble du CEPII, qu’elle a confiée à un groupe présidé par François Bourguignon, professeur émérite à l’Ecole d’Economie de Paris. Le rapport de ce groupe est désormais disponible en ligne, ainsi que la note d’orientation écrite par la direction avec l’approbation du Conseil, en vue d’en tirer les enseignements.


Préambule

Par lettre du 14 septembre 2015, M. Jean Lemierre, Président du Conseil du CEPII, a confié à M. François Bourguignon, directeur d'études à l'EHESS et chaire émérite à l'Ecole d'économie de Paris, la présidence d'une mission d'évaluation du CEPII et plus précisément : a) des travaux du CEPII sur les cinq dernières années et de leur impact auprès de différents publics ; b) de la pertinence des objectifs fixés au CEPII et de l'adéquation des moyens dont il dispose et de son organisation à ses missions (voir la lettre de mission en annexe à ce rapport).
Cette mission d'évaluation a été portée par un groupe de quatre experts. Outre son président, il comprenait :
- Sandrine Duchêne, ex-économiste en chef de la Direction Générale du Trésor et actuellement directrice des affaires publiques chez AXA,
- Jaime de Melo, Professeur à l'Université de Genève,
- André Sapir, Professeur à l'Université Libre de Bruxelles.
Tous les membres du groupe étaient familiers des activités du CEPII, comme utilisateur de ses travaux, membre du comité scientifique ou comme co-auteur de certaines études.
Thomas Grjebine, économiste du CEPII, a officié comme rapporteur du groupe.
Le groupe d'experts a procédé à l'audition d'un certain nombre de personnalités utilisatrices des services du CEPII, des dirigeants d'institutions similaires, des universitaires,  les anciens directeurs, l'équipe de direction en place et plusieurs membres du personnel (voir la liste d'entretiens en annexe). Il s'est reposé par ailleurs sur un ensemble de documents : les rapports annuels d'activité, les programmes de travail, les rapports annuels de son Comité scientifique et, plus largement, les diverses publications disponibles en ligne.
Le groupe s'est réuni à quatre reprises pour échanger sur les réponses à apporter aux questions posées dans la lettre de mission. Le rapport qui suit et ses annexes sont le résultat de cette réflexion commune, au demeurant consensuelle.
 
Résumé du rapport

Ce rapport évalue les travaux du CEPII au cours des cinq dernières années et leur impact auprès de différents publics en commençant par un état des lieux. Depuis 2003, l’effectif salarié du CEPII est passé de 45 à 35 en 2016 (10 pour l'administration du Centre et 25 pour la recherche), non compris 14 conseillers scientifiques (universitaires collaborant au titre de vacataires). Le budget a légèrement baissé en termes réels au cours des 10 dernières années, et une évolution s’est effectuée vers les conseillers scientifiques. Un taux de rotation élevé (de 25 % sur les 3 dernières années) a été attribué au manque de véritable carrière au CEPII (perspectives d’avancement salarial modestes par rapport aux professeurs d’Université et à ceux assimilés dans les grands centres de recherche).
Le CEPII a quatre programmes scientifiques : « Analyse du commerce international » et « Politiques commerciales » qui concernent le commerce international ; « Macroéconomie et finance internationale » ; et « Economies émergentes et migrations internationales ». Le CEPII produit et entretient des bases de données sur le commerce et sur les entreprises. La production de documents de travail et de publications dans les revues scientifiques est un peu supérieure aux normes internationales (voir tableau 1). Le CEPII occupe des rangs très honorables sur un site bibliométrique reconnu. L'examen de ces classements et des institutions qui se trouvent un peu avant le CEPII laisse cependant penser qu'il existe une marge d'amélioration. La visibilité du CEPII a beaucoup augmenté ces dernières années, le nombre de citations dans la presse ayant doublé en quatre ans.
Forces et faiblesses du CEPII. Les opinions des personnalités consultées sont unanimes : la force principale du Centre réside clairement dans le domaine du commerce international où il est reconnu dans les milieux académiques et de prises de décision. Le bilan est plus mitigé pour les deux autres programmes. Le programme « Macroéconomie et finance internationale » opère dans des domaines où la concurrence en France et à l'étranger est plus rude. Les champs d'analyse sont aussi plus nombreux et complexes dans un monde globalisé. Pour les personnalités auditionnées, le programme est trop divers. Dans le programme "Economies émergentes et migrations internationales", le CEPII a une certaine expertise sur quelques-uns des "grands émergents" à travers des travaux ponctuels, mais qui ne couvrent pas l'ensemble des aspects par lesquels ces économies pèsent sur l'économie mondiale. Quant au volet Migrations internationales où la concurrence internationale est rude, on voit bien pourquoi le CEPII se doit, de par sa mission, de développer des travaux dans ce domaine, les flux migratoires en provenance du monde en développement ne pouvant devenir que plus aigus dans le futur. Mais là aussi, l'impression dominante à la lecture des projets de recherche et documents de travail est l'éparpillement.
Recommandations. Du côté des programmes de recherche, le groupe travaillant sur le commerce pourrait encore s’améliorer en élargissant ses collaborations avec les meilleurs experts dans le domaine. Pour le programme « Macroéconomie internationale », la construction ou l’adaptation de bases de données –comme par exemple les flux bilatéraux d’investissement —pourrait aboutir à des synergies avec le programme commerce. Il serait également envisageable de développer des modèles macroéconomiques de moyen terme centrés par exemple sur les taux de change réels, créant ainsi un lien avec les modèles multi-régions de commerce. Le programme « Emergents et migrations internationales » pourrait alors se greffer à cette perspective de macroéconomie de moyen terme en y élaborant les migrations internationales.
Quant à l’organisation institutionnelle du CEPII, le mélange de centre de recherche académique, de Think Tank et de service d’études à destination de l’Etat et du public correspond bien au mandat qui lui a été confié. Le groupe d’évaluation a également constaté le manque d’attractivité de la carrière des chercheurs permanents, c’est-à-dire l’absence de profil de progression salariale pour les CDisés après 6 ans de présence au CEPII.
Le CEPII a été créé en 1978 pour remédier à la faiblesse de l’économie internationale en France. Près de 40 ans plus tard, on peut conclure que le pari est réussi. La France est dotée d'un centre d'études qui suit et analyse attentivement l'évolution de l'économie internationale. Pour ce groupe d'évaluation, le CEPII doit être non seulement maintenu mais, dans la mesure du possible, renforcé.
Un recentrage des programmes "Macroéconomie", "Emergents" et "Migrations" autour de la macroéconomie mondiale réelle sur le moyen-long terme, de façon à maximiser les externalités au sein de ces programmes, éventuellement fusionnés, mais aussi avec les programmes de commerce, paraît souhaitable. Si le mode de fonctionnement du CEPII avec collaboration entre jeunes chercheurs permanents et conseillers scientifiques universitaires a fait ses preuves, il sera difficile au CEPII de maintenir son activité, et de la développer dans les directions mentionnées plus haut, sous la contrainte d'une diminution de son volume d'emplois.
Enfin, dans sa mission d'information, un accent particulier doit être mis sur une communication ciblée et pédagogique vis-à-vis de la presse spécialisée. A un autre niveau, les synergies avec France Stratégie dans les opérations de communication et d'information pourraient être approfondies, tout en respectant l'autonomie du CEPII.

Note d’orientation de la direction du CEPII à la suite du rapport d’évaluation

Le rapport d’évaluation du CEPII rendu par le groupe d’évaluation présidé par le Professeur François Bourguignon est riche d’enseignements. La direction, reconnaissante de la grande valeur du travail accompli, s’efforcera d’en tirer le meilleur profit pour améliorer le fonctionnement du Centre et son utilité. Au terme d’échanges tenus au sein du Conseil du CEPII et en interne, quelques orientations peuvent d’ores et déjà être dégagées dans ce sens, que cette note résume succinctement.
Le rapport dresse un constat d’ensemble positif de l’activité du Centre, estimant notamment que « le CEPII a été créé en 1978 pour remédier à la faiblesse de l’économie internationale en France. Près de 40 ans plus tard, on peut conclure que le pari est réussi. La France est dotée d'un centre d'études qui suit et analyse attentivement l'évolution de l'économie internationale. Pour ce groupe d'évaluation, le CEPII doit être non seulement maintenu mais, dans la mesure du possible, renforcé. » Il s’agit à la fois d’un encouragement de grande valeur pour toutes les parties prenantes au CEPII et d’une invitation à redoubler d’efforts pour en accroître l’utilité. Plusieurs aspects peuvent être considérés dans cette perspective.
 
Priorités thématiques


Au-delà du constat d’ensemble très positif, le rapport porte un diagnostic circonstancié sur les différents domaines d’étude du CEPII. Dans le domaine du commerce international, il souligne la qualité et la reconnaissance des travaux du Centre, ainsi que la valeur des bases de données qu’il construit et diffuse. Sur ces questions, la structuration existante autour des programmes « Analyse du commerce international » et « Politiques commerciales » sera maintenue, en s’assurant d’avoir une vision large des domaines concernés, qui dépassent souvent les échanges commerciaux stricto sensu pour englober des politiques variées à impact extra-territorial. L’objectif sera, comme le mentionne le rapport, de continuer à combiner excellence scientifique et pertinence de politique économique, en s’efforçant d’améliorer la qualité et la reconnaissance des travaux.
Sur les questions relatives à la macroéconomie, aux économies émergentes et aux migrations, le rapport souligne le risque de « papillonnement » dans les travaux, estimant notamment que leur « portefeuille d'activités » est « trop divers ». Il préconise de donner plus de cohérence à ces travaux en cherchant à créer « des externalités fortes au sein et entre ses programmes de recherche », par exemple en s’appuyant sur des outils partagés.
L’exigence élevée que le CEPII place dans la qualité scientifique de ses travaux et l’impératif du maintien de leur reconnaissance académique nécessitent, en effet, un haut niveau de maîtrise de leur objet et des méthodes d’analyse. Cette perspective n’est pas compatible avec une organisation du travail essentiellement fondée sur une spécialisation par pays ou zone géographique. La priorité doit, au contraire, être donnée aux thèmes qui résultent des interactions économiques internationales. Deux axes principaux peuvent être dégagés en ce sens pour structurer le travail sur les questions macroéconomiques au sens large :
  • les relations macroéconomiques et financières internationales (système monétaire et financier, flux de capitaux, taux de change, cycle financier international, politiques monétaire et macroprudentielle, équilibres macroéconomiques internationaux) ;
  • l’économie mondiale à long terme (croissance potentielle, environnement et développement durable, migrations).
Sur chacun de ces thèmes, l’ambition doit être de construire un programme de travail et des outils partagés permettant de dégager une cohérence forte et de viser une qualité scientifique de premier plan. La constitution de bases de données et d’indicateurs macroéconomiques et financiers utilisables dans les travaux empiriques par les chercheurs extérieurs peuvent être des outils utiles dans ce sens.
Les questions de long terme, plus diverses par nature, donneront naturellement l’occasion de lier des approches et des méthodologies différentes, en mettant en valeur leur complémentarité et en accentuant la dimension prospective.
Il n’en reste pas moins nécessaire que le Centre maintienne une couverture équilibrée des différentes zones géographiques pertinentes pour la compréhension de l’économie mondiale. Cela inclut les questions européennes, sans lesquelles les relations économiques internationales de l’économie française ne peuvent être appréhendées de façon pertinente, plus encore dans le contexte particulier créé par le Brexit ; cela nécessite aussi de répondre aux importants besoins d’analyse et d’information sur les économies émergentes et leurs relations économiques et financières avec l’Europe et la France. Cet équilibre doit continuer à découler de l’ensemble des travaux du Centre, qu’il s’agisse de production écrite, d’interventions ou de réunions publiques.
 
Organisation et moyens

Après avoir analysé les autres voies possibles, le rapport conclut que le statut actuel du CEPII est le mieux adapté à ses missions. Il suggère néanmoins de « diminuer certaines rigidités et lourdeurs qu'entraîne cette localisation administrative et la perte d'autonomie qu'elle entraîne », et invite le Centre à développer ses activités, dans la mesure où ses moyens le permettent. Cette conclusion a été endossée par le Conseil.
La direction du Centre a entamé avec l’administration des Services du Premier ministre un dialogue constructif en ce sens. Ce dernier a trait, en premier lieu, à la nécessité de préserver l’attractivité de la carrière des chercheurs contractuels au CEPII et des premiers résultats ont déjà été obtenus dans ce sens. Un second thème de discussion porte sur l’utilisation plus souple des ressources propres issues de contrats de recherche. Bien que le cadre de gestion publique reste contraignant, certains degrés de liberté pourraient être trouvés dans la mesure où le principe de la libre publication des travaux serait maintenu, ce qui a été une politique constante du Centre.
Par ailleurs, l’implication d’universitaires dans les travaux du Centre sera poursuivie et si possible renforcée, en veillant cependant à ce qu’elle ne cantonne pas les permanents au rôle de « juniors ».
Enfin, les synergies avec France Stratégie notamment dans l’organisation de séminaires et conférences seront approfondies pour permettre au CEPII de jouer le mieux possible son rôle d’information et de mise en débat sur les questions d’économie internationale.